Les évolutions récentes sur la situation géopolitique européenne et les problèmes de maintenance et de corrosion des centrales nucléaires continuent d’animer les prix du marché. La tendance du marché de mai sur les prix de l’électricité et du gaz naturel s’inscrivent dans la continuité des mois précédents.
Quel est le contexte actuel ?
Près de la moitié du parc nucléaire français est à l’arrêt
EDF a mis à l’arrêt au cours des dernières semaines 28 réacteurs nucléaires, sur les 56 en service en France. Cette mise à l’arrêt est liée à la fois :
- à la maintenance du parc, dans le cadre du plan de grand carénage ;
- au problème de corrosion.
D’ailleurs, la suspicion des problèmes de corrosion sur les réacteurs de 900 MW de puissance, famille la plus nombreuse en France, semble être levée. En effet, les premières analyses démontrent une absence de corrosion sur les installations. Néanmoins, aucun communiqué officiel n’a encore confirmé ce résultat.
Cette situation a entraîné une nouvelle baisse de la production d’électricité nucléaire de 5% en 2022, soit une production estimée entre 280 et 300 MWh. Pour rappel, EDF table pour l’instant sur une production entre 295 et 315 TWh. Si cette situation venait à se prolonger, l’estimation haute pourrait passer sous les 300 TWh d’électricité produite en 2022, soit 16% de production en moins par rapport à 2021.
La 6ème vague de sanctions de l’Europe envers la Russie est officielle
Les 27 membres de l’Union Européenne ont trouvé un accord pour mettre en place une nouvelle vague de sanctions concernant la Russie. Ces sanctions consistent en un embargo sur les importations de pétrole, de Russie vers l’Europe. Pour aboutir à ce consentement unanime et lever le veto hongrois, une exemption temporaire sur un oléoduc situé entre la Russie et la Hongrie a été nécessaire. Au total, cet accord va entraîner la réduction de 90% des volumes de pétrole importés en Europe.
Conséquence directe, le prix du pétrole a bondi de 2% dans la journée du 30 mai, pour atteindre 121$ le baril. Ce niveau de prix correspond au niveau de prix atteint il y a deux mois.
Une absence de rattrapage du bouclier tarifaire sur les factures de 2023
Bruno le Maire, ministre de l’Economie, s’est exprimé fin mai sur le bouclier tarifaire mis en place suite aux hausses des factures d’électricité. Il a réaffirmé qu’aucun rattrapage ne sera mis en place en 2023 sur les factures d’électricité, pour compenser les coûts supplémentaires du dispositif.
Pour rappel, le bouclier tarifaire avait comme postulat de départ une baisse des prix de l’électricité au cours de l’année 2022. Or, depuis la crise géopolitique en Europe, le prix de l’électricité en France a augmenté de près de 136%. Ces hausses du prix ont causé une dépense supplémentaire estimée à 2 milliards d’euros. Selon le ministre de l’Économie, ce coût sera pris en compte dans le projet de loi de finances, établi à la rentrée 2022.
Ces questions en France s’ajoutent aux relations géopolitiques très tendues actuellement en Europe.
La guerre en Ukraine pousse l’Europe à chercher rapidement des alternatives énergétiques
Les pays baltes concernés par des coupures de livraison d’énergie
L’Europe poursuit sa recherche d’alternatives énergétiques, entamée il y a plus d’un mois. En effet, les échanges énergétiques entre la Russie et les pays européens se raréfient. Après la Pologne et la Bulgarie, ce sont les pays baltes qui sont concernés par des arrêts de fourniture d’énergie de la part de la Russie. La Lituanie, l’Estonie et la Lettonie ont mis un terme à leur achat d’électricité auprès de l’État russe le 22 mai dernier.
Cette fin de fourniture d’électricité fait suite à une stratégie d’indépendance énergétique mise en place par les pays baltes depuis quelques années. Le développement d’une production intérieure dans ces pays, accompagnée d’interconnexions avec des pays voisins, a permis de réduire l’importation en électricité russe. Ces volumes d’importation sont passés de 1300 TWh par an à seulement 300 TWh l’année dernière. Dans le même temps, la Finlande s’attend à des coupures de livraison en gaz russe, suite à son refus de payer en roubles les volumes importés.
L’Allemagne est en contact avec le Sénégal, pour diversifier son approvisionnement en gaz naturel
Dans le même temps, l’Allemagne discute actuellement avec le Sénégal, pour discuter de divers projets énergétiques. Parmi ces sujets, il y a la livraison en GNL de l’Allemagne, pour compenser la perte à venir des volumes de gaz russe. Le Sénégal souhaite profiter de la situation en Europe pour développer ses échanges commerciaux. A cette occasion, le pays africain souhaite profiter de ses dernières découvertes des gisements de gaz naturel au large de ses côtes atlantiques pour livrer l’Europe. Ces gisements permettraient de fournir, dans un premier temps, 2,5 millions de tonnes de GNL. Puis, à terme, ces volumes devraient atteindre les 10 millions en 2030.
Cette recherche soutenue d’alternatives, additionnée à un stockage intensif en gaz, permet de limiter les prix du gaz naturel.
Le prix du gaz naturel évolue entre un stockage soutenu en France et de l’amélioration des conditions sanitaires en Chine
La stratégie de stockage intensif de la France en gaz naturel se poursuit, pour dépasser les 50% de la capacité totale. Ce niveau de stockage se rapproche du niveau de stockage de 2019, à la même période.
Cette avancée sur le niveau de stockage gazier rassure actuellement les marchés à court et moyen terme. Cela permet par conséquent de limiter les hausses de prix liées à la conjoncture en Ukraine.
Dans le même temps, l’offre en GNL est actuellement importante en Europe. Le contrat passé avec les Etats-Unis le mois dernier apporte une sécurité d’approvisionnement. Additionné à la diversification énergétique actuelle de l’Allemagne ou l’Italie, le GNL couvre actuellement dans de bonnes proportions les volumes manquants de gaz russe.
Cette couverture de la demande et le stockage en gaz sont facilités par une météo plus douce que la normale.
La météo douce limite les niveaux de demande énergétique en France
Le mois de mai 2022 s’est caractérisé par une douceur inhabituelle en France, avec des records de températures battus pour cette période de l’année. Dans le sud du pays, la température est montée par endroit au-delà des 35 degrés. En moyenne, ce mois de mai s’est situé entre 5 et 7 degrés au-dessus des normales de saison. Cette chaleur s’est accompagnée d’une pluviométrie faible, ce qui a limité la demande énergétique durant cette période. Cette température douce, associée à la situation sanitaire en Chine, permet de maintenir stable le prix du gaz naturel.
La Chine : le chef d’orchestre des évolutions du prix des énergies fossiles
La situation sanitaire en Chine maintient une certaine stabilité des prix du gaz naturel en Europe. En effet, les mesures Zéro Covid prises par la Chine à Shanghaï et à Pékin entraînent une baisse importante de l’activité économique chinoise. Cela réduit ainsi la demande énergétique globale. Néanmoins, les derniers chiffres officiels des contaminations indiquent depuis quelques jours une baisse très marquée. Cela signifie que la vague actuelle en Chine prend fin, et que les activités économiques pourraient reprendre d’ici début juin. La reprise prochaine des activités chinoises pourrait entraîner une baisse des volumes de gaz livrés en Europe, et donc encourager une hausse des prix.
ENI et Sonatrach signent un accord pour développer les échanges gaziers et la production d’hydrogène vert
Les groupes gaziers italien et algérien ont signé un contrat pour l’exploitation de nouveaux champs gaziers, découverts récemment par la société Sonatrach. Ces gisements pourraient ainsi fournir jusqu’à 3 milliard de m2 de gaz naturel par an. Cet accord entre dans le cadre de la diversification des volumes importés de gaz naturel par l’Italie, pour répondre à sa demande intérieure.
En effet, en 2021, 40% du gaz naturel consommé en Italie provenait de Russie. Le pays transalpin a donc choisi de compenser ces volumes avec l’Algérie, le deuxième fournisseur le plus important du pays. D’ailleurs, les volumes supplémentaires importés en Italie permettront de fournir à la fois la demande intérieure, mais aussi la demande européenne. Ce nouvel accord assure une sécurité supplémentaire dans l’approvisionnement du gaz naturel en Europe à long terme.
En remerciement de cette fourniture de gaz, le fournisseur italien ENI va contribuer dans le développement d’une production d’hydrogène sur le site de Bir Rebaa North. Ce site de puits pétrolier est situé dans le désert algérien.
Quel est l’impact sur les prix de l’énergie ?
Le point sur le marché de l’électricité
Le prix de l’électricité connaît sur cette fin mai une stabilisation, autour des 300€/MWh pour l’année 2023. Néanmoins, ce niveau de prix représente une hausse de 18% depuis le début du mois. Cette hausse est similaire sur les autres années de livraison, avec respectivement :
- 17,5% d’augmentation pour 2024 ;
- 22% pour 2025.
Cette augmentation depuis début mai illustre les difficultés d’EDF à maintenir en service les centrales nucléaires françaises.
Pour compenser ce manque de production du nucléaire, la France devrait se tourner vers le gaz naturel et le charbon.
Le point sur le marché du gaz naturel
Le prix du gaz naturel connaît une légère tendance baissière depuis la mi-mai, causée par un rythme de stockage intensif en France, et une offre en GNL abondante. Le prix du gaz naturel est ainsi passé de 80,49 €/MWh au 5 mai, à 70,9 au 27 mai, soit une baisse de 11,8%.
Cette baisse est également perceptible sur 2024 et 2025, avec respectivement :
- -18% pour 2024 ;
- -14,2% pour 2025.
Le point sur le marché du charbon
Le prix du charbon est stable depuis la mi-avril, autour des 330$/T. Cette stabilisation vient d’un niveau de demande constant en Europe, et réduit en Chine. En effet, avec les mesures strictes de confinement à Shanghaï et Pékin, la demande mondiale en charbon a été limitée.
Le point sur le marché carbone
Le marché du carbone suit les tendances des marchés du charbon et du gaz naturel. Cela entraîne une stabilisation des cours autour des 85$/T. Cette stagnation s’explique aussi par une stabilisation de la spéculation sur le marché. Les incertitudes sur l’évolution de la crise en Ukraine aboutissent à une période de latence sur le marché.
Les prochaines semaines devraient rester tendues sur les marchés de l’énergie, entre problème de corrosion, niveaux de production limités et des niveaux de température élevés.
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